Isabelle Tanner, telle quelle

« Le bol, la plaque, l’objet, la sculpture, l’architecture. L’émail, la peinture, la texture, le papier, le relief. La porcelaine, le grès, la pierre, le matériau industriel. Tout l’intéresse. Multiples matières, diverses techniques, différentes approches, Isabelle Tanner est avant tout une femme curieuse.
Véritable esprit scientifique, elle a hérité ce goût pour la recherche du milieu médical dans lequel elle a grandi; peut-être même est-il inscrit dans ses gênes. Toujours est-il qu’elle en a conservé la curiosité, ce moteur de la recherche, littéralement comme symboliquement. Ses regards se portent autant sur l’infiniment petit, au coeur de la matière, dans l’univers de formules chimiques de la technologie céramique * que vers l’extérieur, sur les horizons les plus vastes.
* elle a enseigné d’ailleurs la technologie à l’Ecole des Arts Décoratifs de Genève pendant plusieurs années.
Curieuse des arts les plus divers, curieuse des mondes les plus lointains, curieuse de la nature humaine. C’est ainsi qu’elle forge un univers de toutes ces expériences. Femme ouverte et secrète à la fois, riche de son intériorité, à l’image d’une céramique.

A première vue donc, ses travaux peuvent paraître éclectiques, et qui ne s’attarde pas risque d’ignorer ce qui les rattache. Car il faut voir ce qui relie et non ce qui divise. Suivre le fil, les fils.
Le dénominateur commun tient du langage du plasticien et de l’intention : l’équilibre, la lumière, le calme, le passage, la fragilité. Et leur contraire.
Chaque groupe de travaux – chaque période – (bols, lames, catalyseurs, tours, plaques, pierres) reprend à son compte ces différents paramètres et s’y mesure.
La recherche de l’équilibre est avant tout une recherche de position, une manière de se situer, puis de se poser. A certains moments, il peut être précaire, c’est comme s’il n’existait qu’un seul point stable et qu’il faille le trouver. « Le centre impératif ».
Centre de la girelle, bien-sûr, seul garant de la forme parfaite, mais également celui des lames bleues qu’un millimètre de déplacement fait basculer. Celui des bols de papier-porcelaine, l’équilibre en mouvement, l’oscillation qui effraie et qui demande des gestes lents, attentifs et doux.
Enfin, pour se rassurer, la démonstration de l’équilibre par la stabilité des tours carrées. Tours blanches pour la halte au voyage, l’ombre, le repos. La sécurité. Une halte mentale aussi, entre deux dangers d’instabilité.
Si l’équilibre est la recherche d’une position, dans les catalyseurs c’est celle du spectateur qui importe. Il lui faut trouver l’emplacement exact, au centimètre près, et il verra disparaître l’oeuvre autour du vide qu’elle cerne.
Point de vue unique pour une intimité parfaite dans l’immobilité totale. C’est l’instant arrêté, magique.
Source de jubilation dans les anciens travaux utilitaires, la couleur révélée était l’Euréka de la recherche scientifique. Peu à peu elle s’est uniformisée pour devenir monochrome, la recherche s’étant déplacée de la science à la conscience, vers une quête formelle et intérieure. Car la couleur pour Isabelle Tanner, n’est pas un décor. Elle joue son rôle à part entière, allant jusqu’à induire la forme.
Le bleu roi, vif, magnifique des lames l’a, dit-elle, « poussée dans une recherche formelle tranchante, aiguisée, dynamique mais sans agression – intérieurement bleue et active. » Une véritable obsession. Monochromes aussi, les tours blanches, en hommage à la lumière réfléchissante des déserts. Celle qui contient toutes les couleurs sans le révéler, celle qui fait pressentir l’ombre à l’intérieur et qui laisse à la forme le soin de dessiner les ombres.
Lumière et couleur sont liées, jouant sur les interstices ou les transparence. Réfléchie ou absorbée, c’est selon, dans un mouvement vers l’intérieur ou vers l’extérieur. A l’image de son regard.
Isabelle Tanner est toujours en route. Son parcours – le mot n’est pas innocent – artistique raconte le chemin de ses haltes pendant lesquelles la conscience et les sens doivent être plus que jamais en éveil, de passages en rencontres, avec ses moments forts et ses instants fragiles. Constamment balancée entre les pôles, elle dit son besoin d’engagement perpétuel, son goût du risque sans cesse renouvelé. Elle joue le jeu de l’équilibriste et de son fil.
Ce qu’elle revendique haut et clair, c’est son envie d’éphémère. Elle y trouve ce qu’elle appelle « une odeur d’éternité, ce moment fragile où l’on accepte que tout bascule ».
Vous avez dit équilibre ? »
Michèle Baeriswyl-Desclou

CV

Isabelle Tanner

Née en 1953. Vit et travaille à Lausanne.

1971-1975_______________Ecole des Arts Décoratifs de Genève, section céramique                        
1971-1976_______________Stages de céramique chez B. Caspar Suisse, Ph. Cart France, T. Chaillot France, J.-C. de Crousaz Suisse
1977___________________________Installation de mon atelier à Lausanne
1985-2010_______________Enseignante de technologie céramique à l’Ecole Supérieure des Arts Appliqués, puis HEAA, puis CFPAA de Genève
2005-2018_______________Nombreux voyages. Séjours en France, Italie, Egypte, Belgique, Iran, Géorgie
1976-1977_______________Recherche technologique sur le céladon
2001-2007_______________Travail sur la cellulose et la couleur
dès 2005_____________________Dessin à la souris
dès 2012_____________________Travail sur les roches

Expositions personnelles (sélection)

1984, 2008, 2011_____________iiGalerie Jonas, Cortaillod
1987, 1989____________________iiGalerie Midi Pile, Lausanne
1993____________________________Galerie Equinoxe, Carouge
1996____________________________Galerie Objekta, Kreuzlingen
1999____________________________Galerie Stylisme, Carouge
2003____________________________Galerie das Ding, Lucerne
2004____________________________Espace CHUV, Lausanne
2006, 2011, 2015______________c/o atelier Sandra Binder, Lausanne
2007, 2008__________________iiGalerie Marianne Brand, Carouge
2012, 2015____________________iiGalerie Déjà-Vu ?, Yverdon-les-Bains
2013____________________________Galerie Isabelle Gétaz, Mont-sur-Rolle
2017____________________________Galerie Marianne Brand, Carouge
2020____________________________Atelier 1280°, Fribourg
2021____________________________Galerie Pont des arts à Seyssel, France
2022____________________________Livre d’artiste avec Schauenberg, musée Forel, Morges
2023____________________________Ante ceramicum /post calamitas avec Schauenberg à Galerie La Placette, Lausanne

Depuis 1979 participe à de nombreux concours et expositions nationales et internationales 

Distinctions

1984____________________________Mention à l’exposition du WCC à Bratislava
1989____________________________Prix Gilbert Albert, Concours de Carouge
_________________________________iiMention au concours de Mino, Japon
1990____________________________Mention à la Triennale de la Céramique de Petite Dimension à Zagreb
1993____________________________Prix Strählermatic à la Triennale de la Céramique de Petite Dimension à Zagreb
1995____________________________Mention Max Laeuger à Lörrach
1998____________________________IVe Biennale internationale de la céramique du Caire
__________________________________« La céramique suisse de la Renaissance à nos jours », Lisbonne
__________________________________1er prix de la IVe Biennale de la céramique contemporaine de Langeais F
2001____________________________Biennale de céramique de Corée

Collections publiques

Musée Ariana à Genève, Fondation du Gymnase de Nyon, Musée de Hohenberg an der Eger Allemagne, Musée Bellerive Zürich, Musée des Arts Décoratifs Lausanne, Mino Japon, Iceon Corée